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Picasso : Nature Morte à la chaise cannée (1912)

 

 

Le cubisme est ce que l’on appelle un mouvement artistique : une tendance, une façon de faire de l’art qui réunit plusieurs artistes.

De nombreux artistes ont adhéré au mouvement cubiste, mais ils sont deux à en être à l’origine : Pablo Picasso et Georges Braque.

Influencé par les peintures de Cézanne et l’art africain, le cubisme interroge la manière de représenter le réel. Il va « éclater » puis cerner les formes d’un sujet observé (un référent) de plusieurs points de vue en même temps[1] et toutes ses facettes sont représentées en fragments.

Comme les objets vont apparaître éclatés, morcelés, dispersés, on reconnaîtra davantage ces fragments comme des indices qui suggèrent les objets représentés. Les jeux d’ombres vont permettre de donner du volume à chaque fragment représenté et, ainsi, à toute la composition.

Comme on représente la réalité, l’espace de la réalité, et ses volumes, on peut dire que le cubisme est une forme de perspective (technique permettant de représenter un espace en trois dimensions sur un espace plat).



[1] Un peu comme dans la peinture égyptienne de l’Antiquité !


Dans la Nature Morte à la Chaise Cannée (1912), Picasso représente plusieurs objets qui peuvent être reconnaissables par des indices visuels : le « JOU » de « journal », un verre, une rondelle de citron, une coquille St Jacques, un couteau et une pipe, puis il applique un bout de toile cirée à motif de cannage, destiné à évoquer de manière insolite la présence d’une chaise.
 

Ce tableau est marqué par l’irruption, dans l’espace de la représentation, d’éléments du réel : la corde qui compose un cadre et cette toile cirée où est imprimé le cannage ; elle n’est pas représentée mais simplement présentée par le collage.  C’est la première fois qu’un artiste intègre dans son œuvre un objet manufacturé, et donc non produit par lui-même. Picasso questionne  ainsi l’acte de représenter. Il interroge aussi le rapport entre art et réalité, avec ambiguïté puisque la toile cirée n’est pas la chaise mais un trompe-l’œil de cannage réalisé de façon mécanique. C'est la fin de la limitation du tableau aux seules couleurs posées par le pinceau. Désormais un tableau peut accueillir tous les fragments de la vie réelle. Possibilité que Picasso sera le premier à explorer.

 

 


* De telles pratiques dans la représentations se faisaient déjà par les égyptiens de l’Antiquité.



Sur les natures mortes :


Une nature morte est un ensemble d'éléments inanimés, puis, par métonymie, une œuvre (en peinture ou en photographie, etc.) représentant une nature morte.

Les hollandais les nomment « stilleven », les allemands « stilleben » et les anglais « still-life », ce qui peut se traduire par « vie silencieuse » ; en France, le terme « nature inanimée » fut remplacé par « nature morte ».

La vanité est une catégorie particulière de nature morte dont la composition suggère que l'existence terrestre est vide, vaine, la vie humaine précaire et de peu d'importance.

Les natures mortes du XVIIe siècle se présentent essentiellement sous la forme de vanités véhiculant un message moral ; chaque objet représenté étant doté d’un large panel de significations.  Pourtant, derrière ces messages pieux prodigués par les natures mortes, se cache un véritable intérêt mimétique. Les objets représentés conservent certes leur symbolique religieuse, héritée très souvent des textes chrétiens  (canoniques ou apocryphes)  mais, contrairement à la période médiévale, l'aspect esthétique de la peinture prend une importance primordiale et la nature morte est l'occasion de prouver l'habileté de l'artiste.

Aux XVIII et XIX siècles, le plaisir mimétique d’une nature morte « réaliste » l’emporte petit à petit sur l’aspect symbolique et les artistes s’écartent peu à peu du message moral.

Des peintres tels que Cézanne ou les cubistes verront dans la nature morte un sujet privilégié pour expérimenter leurs techniques picturales innovantes. LA nature morte devient alors presque un « prétexte » au peintre. Le côté symbolique s’estompe presque totalement.

Toutefois, au XXe siècle, le Pop Art ou les Nouveaux Réalistes réinvestissent les objets et les symboliques contemporaines qu’ils peuvent alors porter : le Pop Art fera valoir des objets de la société de consommation pour dénoncer celle-ci (cf. Andy Warhol et « sa » boîte de soupe Campbell), les Nouveaux Réalistes verront dans l’objet un symbole en lui-même de tout ce qu’il peut évoquer (cf. Arman avec Home Sweet Home).