Jackson Pollock : Number 4 (1950)

Dans certaines œuvres, il est possible d’observer les traces laissées par le geste de l'artiste. Les traces, que l'on peut assimiler à la touche picturale, donnent une indication sur la gestuelle de l’artiste.

L’implication du corps dans la création de l’œuvre peut se traduire par des touches de même nature que les gestes qui les ont produites : amples, énergiques ou précises et minutieuses, régulières ou anarchiques, violentes ou douces, etc.

 

Une tempête de couleurs pourra se traduire par une peinture où la gestuelle rappellera l’idée de tempête : des gestes amples, énergiques, désordonnés… De ce fait, il n’est pas besoin de représenter une tempête pour en figurer l’idée : elle se reconnaît au résultat grâce à la gestuelle et aux traces de peintures, ses caractéristiques ont été exprimées… C’est ce que l’on peut appeler de l’expressionnisme abstrait ; aux Etats Unis, on nomme cela l’Action Painting.

 

Les artistes qu’on a regroupés sous l’étiquette de l’expressionnisme abstrait ont en commun le désir d’exprimer leur propre personnalité dans l’action de peindre.

 

Parmi eux, Jackson Pollock (1912-1956) abandonne en 1947 l’utilisation classique du pinceau pour le dripping, projection de peinture sur la toile de grand format couchée sur le sol . Aucun endroit du tableau n’a plus d’importance qu’un autre. Il n’y a pas de haut ou de bas… il n’y a pas de sens d’accrochage. La surface est recouverte d’entrelacs colorés, de coulures, d’éclaboussures de peinture. Ce sont les mouvements du corps , généralement très rapides qui donnent forme à la composition. Processus qui fera le succès du peintre.

 

Cette façon de peindre si particulière avait une signification très importante pour l'artiste : il s'agissait pour lui de transposer son énergie, sa force, sur la toile. L'important n'est pas alors le résultat (une toile maculée de peinture) mais l'action de peindre, le moment où il projette la peinture. Il ne s'arrêtait que lorsqu'il en était complètement épuisé.

 

« Un critique a écrit que mes tableaux n'avaient ni commencement ni fin. Il ne l'entendait pas comme un compliment, or c'en était un. C'était même un beau compliment. Seulement il ne le savait pas. »

 

Pollock ne représentait pas de tempête, mais par sa gestuelle, sa peinture exprime une vie tourmenté : il a vécu dans une extrême précarité durant la majeure partie de sa vie, même si, en 1949, le magazine Life titre en « une » : « Pollock est-il le plus grand peintre vivant ? ».

 

Effrayé à l’idée de se répéter, perturbé par une rivalité, qu’il s’est infligé, avec Picasso, Pollock vit ses dernières années dans une crise créatrice ravageuse.

Number 4, peint en 1950

Huile, émail et peinture à l’aluminium sur toile. 124,1 x 94,3 cm ; Pittsburg

Jackson Pollock au travail
Jackson Pollock au travail

 

 

Pages d'oeuvres complémentaires :

T-M : Sur le geste et sa traduction matérielle et plastique. (Bacon, Arman, Saburô, Fontana)

T-S : Sur le pouvoir expressif de l'art

 

Voir également le sculpteur Rodin pour les traces laissées par le geste sur ses sculptures.

En France, l'expressionnisme abstrait existe également sous le nom d'abstraction lyrique. Des artistes tels que Georges Mathieu ou Hans Hartung travaillent également sur de grands formats comme Pollock, projettent la peinture ou d'une manière plus générale se "défoulent" sur la toile.

L'abstraction lyrique est une tendance à l'expression directe de l'émotion individuelle qui est rattachée à l'art informel.

Les artistes de l'abstraction lyrique appliquent en quelque sorte les leçons de Kandinsky (considéré comme un des pères de l'abstraction), mais aussi de Hartung et de Miró. L'abstraction géométrique expose des figures géométriques connues et reconnues : un carré, une ligne. L'abstraction lyrique est vécue comme une ouverture à l'expression personnelle de l'artiste.


L'Abstraction lyrique américaine est un mouvement, liée à l'expressionnisme abstrait et au tachisme européen, qui est apparu dans les années 1960–1970 à New York, Los Angeles, Washington, puis Toronto et Londres.

Il se caractérise également par une expression plus libre, spontanée, intuitive, un espace illusionniste, l'emploi de l'acrylique et d'autres techniques picturales plus récentes.

L'abstraction lyrique cherche à produire une expérience sensorielle par la monumentalité et la couleur et à apporter plus de lyrisme, de sensualité et de romantisme à l'abstraction, afin de revigorer la tradition picturale dans l'art américain et de rétablir la primauté de la ligne et de la couleur comme éléments formels, dans des œuvres composées selon des principes esthétiques, plutôt que comme des représentations visuelles de réalités socio-politiques ou de théories philosophiques. La peinture est alors plus une question de sensations que de réflexion...


De nos jours, l'expressionnisme se fond de manière quasi naturelle dans des pratiques plus personnelles des artistes, lesquels inaugurent celle-ci comme une "marque de fabrique", une touche personnelle.

Ainsi, Maruyama utilise le geste pour peindre dans l'espace fugace d'un instant figé par la photographie.